Tombent les masques ! – continuité itw définitive– HF – page
Tombent les masques !
Continuité des interviews
Montage définitif
• Eugène
Je viens de temps en temps ici, pis, je vois la famille s’agrandir, la famille de fantômes ou bien de présence, je sais pas.
• Christophe
Ce sont des visages qui sont un peu comme des apparitions. Une espèce de songe, de rêve.
• Arnaud
Une présence, une absence… qui… vibrent d’une manière particulière.
• Muma
C’est une sorte de frémissement.
• Phaedra
Chacun dans son carré noir, on a quand même l’impression qu’il se met un tout petit peu en scène.
• Lorna
On est là, mais on est un peu absent.
• Daniel
Tu vois, c’est comme ça que ça commence la peinture, par un déchirement. Alors, ok.
• Daniel
C’est un nuage au départ, c’est qu’un nuage, … En mouvement. Des mouvements de formes, ouais.
• Daniel
Disons que je cherche des repères et au début, j’en vois aucun. C’est pour ça que je parle de nuage.
• Daniel
Pour moi, la surface noire, comme ça, elle est symbolique d’un espace infini.
• Daniel
je trouve que les couleurs, ils entrent directement dans l’inconscient. C’est comme le son, tu peux pas, tu peux pas fermer les oreilles. Et tu peux pas ne pas voir les couleurs.
• Daniel
Tu vois ce noir aussi ça, ça, ça, c’est une matière d’absorption. Elle absorbe tout et la seule chose que je laisse, en fait ou qu’elle rejaillit, pour moi, c’est ce visage qui exprime toute la vie intérieure de chacun. Qui est l’âme
• Daniel
Il y a eu peut-être comme départ un changement important dans ma vie… une amitié qui s’est perdue et du coup, je me suis beaucoup questionné sur la, enfin, l’importance de l’amitié et qui étaient encore mes amis.
• Daniel
enfin j’ai pris les premiers qui étaient autour de moi, qui étaient là en ce moment, j’avais très peu de temps, et je devais travailler le soir et le soir, et c’est comme ça que j’ai tout de suite choisi le noir comme fond, avec que le visage qui apparaît un peu comme un fantôme, comme un, peut-être presque un fantasme, un désir. Et j’en ai fait quelques-uns et j’ai compris assez rapidement qu’il en fallait faire encore beaucoup plus, que ces tableaux se cherchaient les uns les autres, ils se dispersaient en même temps, donc ils s’attiraient, ils se repoussaient, c’était vraiment un jeu interactif entre les tableaux. Donc, j’ai continué sans savoir jusque où et quand, et du coup, il y a beaucoup de temps qui a passé, ça a beaucoup évolué à l’intérieur, de moi, mais aussi sur toile, il y a une sacré différence, entre le début et la fin.
• Daniel
je voulais me concentrer uniquement sur le visage parce que ça me paraissait la chose la plus importante dans ce moment. C’était le regard, la peau de l’autre, je trouvais, le visage, c’était la partie finalement la plus nue de nous.
• Daniel
Je suis parti des gens proches, enfin, amis ou connaissances, et c’est devenu des gens presque inconnus, à force de les peindre.
• Daniel
C’est plus difficile de peindre quelqu’un qu’on aime bien, parce qu’il y a une image déjà qui s’est créée et faut, faut surmonter cette illusion ou cette image de mémoire.
• Daniel
C’est clair, c’est faire violence à l’autre d’une certaine manière parce que je voulais comme oublier ou chasser tout ce qui m’était déjà connu de cette personne. De découvrir non la personne comme je la connaissais, mais comme elle est, comme elle est d’un coup dans un contexte un peu forcé.
• Daniel
Parce que quand on pose, à un moment donné, j’ai l’impression, c’est comme si il ressortait l’essence, ouais, enfin, la personne, enfin, qui est dedans, qui est derrière le masque. Même si je ne fais que peindre le masque, le masque tombe.
• Florence
Ben, justement, il ne me regardait pas. Enfin, il regardait au-delà de moi, je ne sais pas comment expliquer. Son regard ne me regardait pas moi dans les yeux, il regardait, je sais pas, mon entier. Parfois il s’attardait, je sais pas, sur une pommette, sur l’ensemble du visage, sur quelque chose de global, sur des tous petits détails, je sais pas du tout, et moi, ça me gênait, de voir tout ce que j’essaie de montrer au monde extérieur, finalement, … dans ce portrait-là, se révèle vraiment, l’envers de la médaille.
• Florence
Par exemple dans quelque chose de très, mais justement de très contemplatif, voire de triste, de … nostalgique, je vois quelque chose de très nostalgique dans ce visage. Quelque chose aussi un peu infiniment, enfin sans fond, je sais pas, quelque chose de…
• Florence
Non, je pense que c’est une dimension que j’ai en moi, enfin, quoi, vraiment, ouais, je ressens ça très fort en moi, ça me trouble un tout petit peu de voir que … en si peu de temps, c’est ce qui sort là.
• Elisabeth
En posant, j’avais aussi cette conscience qu’il y avait un, et en connaissant Daniel, je, je sentais… ouais, j’imaginais bien qu’il allait pas me peindre de manière superficielle, qu’il allait chercher à l’intérieur ce qu’il y avait. Donc ce ne serait pas forcément un portrait où j’allais me reconnaître, et c’est vrai, moi, je ne me suis pas tout de suite reconnue, j’ai eu beaucoup de peine à me reconnaître, parce que pendant ce moment où j’ai posé, on a beaucoup parlé finalement, on a pas mal rigolé et ce que je vois du portrait, finalement c’est un portrait très sérieux, très dur et ça, c’était étonnant, j’imaginais pas du tout ça.
• Elisabeth
Forcément, moi je suis attachée à la surface aussi. je me dis « Tiens, qu’est-ce que », je me demande ce que les gens pensent de moi, en voyant, en me connaissant pas pis en ne voyant que le portrait.
• Elisabeth
ça m’a aussi posé, pendant que je posais, je pensais beaucoup à, enfin beaucoup, pas beaucoup, mais j’ai inévitablement pensé à ma disparition. Du moment qu’il y avait un portrait qui était fait de moi, euh? Je me suis dit « ben, tiens, ce portrait, lui, il restera plus longtemps.
• Daniel Thomas
Moi, si je dois parler de moi, alors, je me retrouve pas du tout, du tout, du tout. Parce que. Mais c’est vrai que moi aussi je m’imagine, alors il y a peut-être des choses que je vois pas de moi. Parce que faut dire qu’à ce moment-là, j’étais pas non plus tellement moi-même, vu que, je subissais quelque chose, donc, peut-être que ça, c’était… on est transformé un peu par les autres, donc j’étais moi-même, mais un peu Daniel Frank, parce qu’il était tout près, donc j’étais un peu son image.
• Daniel Thomas
Déjà le fait que ce soit, que ça doive être dans le noir, c’était déjà dur pour moi. Du moment que c’est, moi je suis plutôt un être du jour, de la lumière, alors disons que ça me met dans un contexte qui n’est pas le mien.
• Daniel Thomas
C’est comme si j’allais un peu aux Enfers ou bien au Pôle Nord quand il n’y a pas de soleil.
• Arnaud
C’est des flingues d’une certaine manière, parce que tu es devant ton propre portrait.
• Arnaud
puis qu’est-ce que tu vois ? Chair violacé tout le refoulé, toute les choses que tu supportes pas en toi, là, c’est
• Arnaud
la photographie peut beaucoup plus être neutralisée aux niveaux des énergies, c’qui se passe à l’intérieur de l’oeuvre, c’est ça que j’entends par énergie euh? mais le portrait non, tu le neutralises pas.
• Eugène
Alors il y a eut des fois où je reconnais pas, et c’est comme un puzzle qui n’est pas assemblé, je ne vois pas qui ça peut être, et puis quand je trouve, je suis stupéfait parce que ça m’a l’air, c’est comme s’il avait appuyé sur le bon bouton et qu’il avait sorti… Je crois que le visage est terriblement mobile. On le voit pas vraiment, mais il l’est. Et c’est comme si il avait réussi à figer un moment que personne ne voit vraiment. Il avait appuyé sur la bonne touche pause ou il avait appuyé sur cinq-six touches pauses pour faire, pour faire lui-même le montage du portrait, le montage du visage.
• Daniel
C’est vrai que l’un des portraits le plus difficile et en même temps le plus heureux était celui de mon père, parce que c’est vraiment l’image, enfin le visage que je connais depuis le plus longtemps et que j’ai certainement idéalisé. Et pis je crois, il me regardait parfois avec un tel étonnement aussi. C’est qui qui me peint-là, c’est mon fils ou je sais pas. Parce que du coup, on est un peu dans le mystère de la vie, c’est qui l’autre. Tu vois : qui es-tu ? De quoi il est fait, quelle est son histoire.
• Daniel
je pense que je l’ai redécouvert plus comme un ami, maintenant. Plus comme un père. Et c’est des moments assez beaux. On se parlait pas beaucoup, mais on se regardait et c’est déjà une approche.
• Lorna
Et le premier jour où je suis arrivée, dans ce fauteuil, je me dis « mais qu’est-ce que je fais là ? ». Parce qu’il y a la difficulté d’être là sans, sans pouvoir bouger, sans pouvoir … faire grand chose, en fait, et puis être comme ça sous le regard de Daniel, c’est pas, c’est pas… il est très près, il est pas derrière une caméra, un appareil photo ou dieu sait quoi, et pis ça va assez durer longtemps, on sait que ça va durer 3 heures ou peut-être plus… il me fait asseoir dans le fauteuil, lui s’installe, et puis au premier coup de pinceau, je me suis dit « aïe, aïe, aïe, je crois que je vais, je crois que je vais partir en courant »…
Oui, parce qu’il y avait ses yeux comme ça que je trouvais très… ben observateur, scrutateur, modeleur déjà, enfin, il y avait un regard que je ne connaissais pas non plus, il y avait, … il va tout de suite chercher, j’ai eu l’impression d’en effet de partir en courant, mais à l’intérieur de moi-même, et puis de devenir une toute petite chose, je pense pas plus grande qu’une noix, euh… qui allait se cacher derrière une côte et … Et pis, c’est vrai que passer ce temps … j’ai commencé à regonfler un peu, à regrandir un peu, et puis, à me ressentir que j’étais assise dans ce fauteuil. Et alors chose très curieuse, d’un coup il me dit, « ah, ben, ah ben, ça va mieux maintenant, parce que j’arrivais pas à te, j’arrivais pas à te… », pas à t’attraper, il a pas dit comme ça, je me souviens plus le terme qu’il a choisi.
• Lorna
Pis c’est peut-être ce que j’ai retenu de mar… le truc le plus fort de cette expérience en fait. Parce que ça révèle aussi un rapport étrange entre l’intérieur et l’extérieur. Tout d’un coup, il y a cette personne, le peintre, qui… qui est là en train d’observer une personne, qui est en train de peindre cette personne et qui est en train de peindre une enveloppe extérieure et toi, de ton côté, pour le même moment, tu es à l’intérieur. alors, c’est étrange.
• Florence
mais je le regardais de temps en temps, parce que ça m’intriguait quoi, cet espèce de…de fourmillement, même la transpiration qui pouvait y avoir, quoi, sur son visage. J’étais étonnée.
• Florence
Moi, j’étais fascinée par ce côté, mais haletant de la peinture de Daniel, quoi, vraiment j’avais l’impression d’être une sorte de, j’étais plus Florence, j’étais un, une surface, j’étais quelque chose qui était prise d’assaut en quelque sorte par, par le peintre, donc mon identité, elle giclait complètement, j’avais l’impression, mais j’avais l’impression d’être quelque chose que, justement que le peintre allait… enfin essayer de capter, de capturer, et pis il y avait, moi j’avais l’impression d’être dans une sorte de danse folle, quoi une sorte de, dans le sens où on le voyait lui dans un état, mais proche d’une certaine transe et des moments où, ouf, il se relâchait un tout petit peu et où là, le dialogue était de nouveau possible, où là, je pouvais de nouveau reprendre mon identité et puis… aller voir ce qui se passait sur la toile.
• Florence
D’être obligée pendant 2h d’être assis à ne rien faire. Et d’être livré comme ça au pinceau de quelqu’un. Je veux dire c’est quand même assez étonnant, donc il y avait des moments, où ben… où j’étais très présente, des moments où je partais, des moments où j’étais un peu excitée à l’idée de ce qui m’arrivait, des moments où tout à coup ça m’ennuyait, où je me disais mais j’ai envie de partir, des fois ça pouvait me déranger aussi. Mais tout ça dans une sorte de calme étonnant.
• Florence
j’avais une grande sensation de liberté. De liberté et de solitude. Parce que je n’avais pas besoin de paraître ou d’être et tout parce que lui il m’a vraiment retranscrite comme il me sentait sur le moment… J’avais pas d’artifices, aucun artifice. Je sais pas comment expliquer, ni rhétorique, ni comportement.
• Lorna
Ouais, peut-être que à un moment donné, on se dit « tiens, est-ce qu’il va apparaître quelque chose qu’on avait jamais vu», et… je sais pas des cornes du diable…(rire) ou un air aff… qui fait peur, ou triste,ou je sais pas…quelque chose qui nous, qui nous échappe, que l’autre aurait capté très vite, ouais, peut-être qu’à un moment donné…on a un peu cette idée dans la tête.
• Raymond
La chose la plus difficile pour moi, c’était d’accepter d’être modèle, à partir du moment où le pas était fait,.. j’avais peut-être vaincu entre guillemets toutes ces craintes de « Qu’est-ce qu’il va en faire », non pour moi, celui qui avait le plus de tensions, d’interrogations, face à ce qu’il avait à faire, c’est Daniel. C’est vrai j’étais présent, mais en même temps étranger à la chose, j’étais un, comme j’ai dit, j’étais sa chose, c’est comme ça que je l’ai pris, et ça m’a peut-être permis de? de?
• Eugène
Alors ça, c’est la version officielle, on est une présence, mais je crois qu’on est très actif. Et d’ailleurs, ben, quand il y a eu ce portrait là qui a été peint, ça a duré assez longtemps. Il y avait de moments où je réfléchissais moi-même à des choses, je suivais le cours de mes pensées, et il y avait des choses auxquelles je réfléchissais que seul, seulement quand j’étais seul. Et là, je réfléchissais à ça. Bon, je ne réfléchissais pas à haute voix, mais quand même, on était deux, dans la pièce, j’étais presque embarrassé de penser à ça, parce que c’est vraiment des choses intimes et penser à ça, pendant que il y avait quelqu’un dans le même espace que moi. Et dans ces moments-là, je pense que je devais avoir des regards un peu énervés contre Daniel pour le simple fait qu’il soit là… J’avais vraiment l’impression qu’on était en train de faire mon portrait du dedans et du dehors.
• Arnaud
Je trouve que Daniel Frank c’est un vicieux parce que …. quand on te propose de faire un portrait… toute de suite ça résonne comme une flatterie… en fait, c’est un piège tout ça, moi, je suis quelqu’un aussi qui a une conscience du paraître etc… qui incarcère un peu, ça c’est les premiers instants… c’est pénible, ensuite il y a un moment donné où tu abandonnes la maîtrise, un moment donné c’est trop épuisant tu peux plus maîtriser, ton image, et les instant furtifs, les petites illuminations où tu te rends compte que tiens ! il est en train de te saisir dans ces moments de relâchement, ça c’est insupportable et le moment où tu regardes le tableau et que tu vois toutes les vérités…
• Daniel
En fait, je suis très patient quand je peins, j’ai, il y a des, des gestes qui sont, comme des, des gestes de survol, enfin, j’ai l’impression de caresser un petit peu la peau de quelqu’un et tout d’un coup apparaît un regard, ou un sentiment évoqué par, par la personne, et c’est ça que j’aimerais capter. Cette parcelle de vie intime. Et … peut-être que c’est comparable à un oiseau qui se laisse tomber enfin pour attraper sa proie à un moment donné.
• Arnaud
Moi, au début, je parlais énormément avec lui, bon ! après il dit : « tais-toi un peu ! ». Les séances suivantes parce qu’il y en a eu peut-être quatre comme ça, j’avais amené de la musique. Donc moi, le fait que j’amène de la musique c’était comme si j’amenais ma propre capture, mon piège, mon piège pour Daniel. Et c’était plus et je me sentais plus seulement otage du peintre, mais je sentais qu’il était un peu otage de ma musique, enfin, il s’agit pas de ma musique, pas ma musique en tant que créateur … mais la musique j’amenais… c’est à dire que… voilà…c’est des pièges, j’aime cette notion de piège. On sent que…
• Daniel
D’ailleurs je pense que le portrait serait devenu très différent, s’il n’avait pas mis cette musique, sa musique. Ça révèle quelque chose de la personne aussi.
• Elisabeth
J’ai remarqué que j’influençais énormément la peinture de Daniel, en posant, que… que ça influençait, ouais toute sa façon de travailler, finalement sa peinture, c’était moi qui la faisais aussi… en quelque sorte, et ouais, j’ai trouvé très courageux de faire ça, parce que la personne est quand même très proche
• Elisabeth
Bon moi, je pense que c’est, je sais, d’ailleurs il me l’a dit, c’est ce qu’il l’a recherché, en faisant ça, c’est que lui, c’est l’énergie des gens, la présence, qu’il a capté et qu’il a, qu’il a voulu, ouais, qu’il a voulu inscrire sur sa toile et c’est ce mystère-là qu’il, qu’il recherche, je pense.
• Ursula
On a eu une discussion aussi sur le, sur le rapport désir entre le modèle et le peintre. C’était moi qui m’intéressait, je me disais c’est quand même bizarre, de poser là, de… ouais, de en fait, puisqu’il y avait un silence et une tranquillité, est-ce que ça, est-ce que ça évoquait ou que ça réveillait du désir ?
• Daniel Thomas
La question, c’est pourquoi avoir voulu mettre ainsi les êtres dans le noir, pourquoi mon cher Daniel ? Pourquoi ? C’est… pour moi, c’est un peu un désir de les étouffer, … ça leur enlève leur vie. Ils sont morts, mais par contre, alors ils sont ouverts et ils deviennent de merveilleux personnages pour une pièce de théâtre, c’est des masques, ou des marionnettes ou je sais pas. Donc il faut d’abord les clouer au mur, et puis après, parce que si l’être est trop indépendant, puis si il respire, il entre pas bien dans la tragédie, enfin, pis en même temps, il est pas manipulable, il est pas utilisable un être vivant, c’est quelque chose qui est pas… pas pratique.
• Christophe
il y a quelque chose de Daniel, c’est incontestable, ça devrait lui avoir échappé, enfin j’espère que quelque chose lui a échappé parce que ce serait plus intéressant qu’il ait fait autre chose qu’une stricte observation et dans ce qui a pu lui échapper du regard, effectivement, je sens un côté, qu’est-ce qu’il faudrait dire, une certaine tristesse, une certaine rêverie, une certaine… acceptation à la fois résignée et à la fois positive des choses.
• Christophe
Je crois que Daniel n’aspirait pas à faire quelque chose de grand, ambitieux, métaphysique, mais il aspirait à suivre un processus, qui lui est intérieur, qui effectivement est un processus métaphysique dans une implication, c’est ça que je trouve très intéressant, c’est qu’en fin de compte, il avait quelque chose au fond de lui qu’il arrivait pas à expliquer et ça a donné ça. Donc quelque part …
• Christophe,
La seule chose que Daniel dresse en face du monde, c’est son œuvre. Comme une réponse, mais comme une affirmation émouvante d’une faiblesse et d’une puissance à la fois, de ce qu’il est. Et c’est ce qu’il peut donner, ne pas donner. Plus il ne peut pas donner, moins non plus. C’est à la fois peu et c’est à la fois énorme.
• Arnaud
Pour Daniel le premier truc qu’il te dit quand tu le rencontres c’est : « je peux faire ton portrait » c’est un peu son mode de communication aussi. Tout à coup, il a envie de, de… d’entrer en dialogue avec quelqu’un, ou je ne sais pas… à ce moment-là, il lui propose de faire son portrait, c’est sa carte de visite.
• Daniel
Je crois je suis aussi une autre personne avec chaque personne. Je crois avoir le pouvoir de me glisser dans leur univers et d’être capable de peindre cette personne. Donc là, il y a un pouvoir de … caméléon, mais, c’est pas… c’est pas la manipulation de l’autre ou la domination… Mais tu vois avec quelques personnes on a rit sans arrêt, avec d’autres, c’était très calme, très distant. Il y a eu quelques-uns où c’était vraiment de la haute tension. Et puis, …c’était une série qui était aussi assez dangereuse à faire, parce c’est quand même une intimité partagée pendant un moment.. le modèle qui me permet de l’observer, donc qui m’offre son intimité … euh… sa personne, sa personnalité… avec… toutes les faiblesses qui nous sont innées, c’est un rapport d’amitié, c’est un rapport… peut-être même d’amour.
• Daniel
C’est un art assez érotique… parce que…. Il y a toujours le désir de savoir ce qui se passe derrière, dedans… il y a quelque chose qui émane, une énergie qui est assez magique.. C’est une énergie je dirais très physique… je vois la peinture comme un corps… et je pense qu’il y a une identification entre son propre corps et … celui qu’on essaie de recréer…
• Daniel
La peinture est finalement plus une histoire de possession que de représentation. C’est comme si tu as envie de posséder quelque chose… C’est pas la personne, mais c’est son image qui, qui… qui l’offre en quelque sorte et que j’essaie d’extraire et que j’aimerais avoir. Donc, je dois prendre… C’est pour ça qu’il m’appelle rapace.
• Daniel
D’ailleurs, j’ai souvent l’impression que je n’ai pas peint la personne, mais la relation entre nous. Ce qui est sur toile est le fruit d’une relation, une relation qui est bien sûr mis dans un contexte, encadrée, justement, un petit peu artificielle, mais quand même réelle, donc le portrait, il est témoin de ce que j’ai vécu avec la personne. Et chaque fois c’est très différent.
• Daniel
J’ai l’impression, je serais pas la même personne si je n’avais pas connu telle et telle personne. C’est plus que seulement faire une peinture, c’est un apprentissage de vie aussi.
• Daniel
Où tu veux le mettre ? Là ? Une petite place libre, ou je le mets ailleurs ?
• Hélène
Non, ça va très bien… Il va assez bien ici. Effectivement.
• Daniel
Ça va commencer à parler pendant la nuit, tu verras.
FIN