Articles / Culture et argent
Culture:
Rubrique: JEU DE MOT
La rentabilité
A partir d’un événement récent: une école d’arts décoratifs qui décide de fermer sa section céramique sous prétexte qu’elle n’est pas rentable!
L’exigence de rentabilité est un fléau et un danger quand elle ferme, coupe, bloque, censure, empêche d’exister. Avec l’importance du toucher, de l’acte de palper, de vivre les formes dans leur développement, de les suivre de la main, de les faire venir au monde dans l’espace ouvert, un art comme la céramique doit exister indépendamment de toute rentabilité. Il remplit son rôle dans le faisceau des moyens d’expression.
On peut distinguer dans le financement d’une œuvre d’art « rentable » une part d’investissement propre sous forme de bénéfice qui peut être réengagé dans d’autres projets, ce qui n’est pas un mal. Une autre part du financement peut provenir d’un apport extérieur, comme une aide publique ou privée, ce qui permet à l’artiste de créer l’œuvre sans se plier au diktat de la rentabilité.
C’est là tout l’intérêt d’une subvention: elle offre plus de liberté à l’artiste, ne commande pas son art et assure son indépendance d’action. Intérêt aussi de laisser le champs libre à des œuvres qui ne suivent pas les exigences du public, par exemple l’attrait, la diversité, la facilité de compréhension de la narration ou la satisfaction de ses attentes. Intérêt encore de laisser libre cours à des œuvres ne flattant pas le goût du public, à des œuvres novatrices et dérangeantes de prime abord par des choix de ou sortant des sentiers battus par la non-narration, l’étrange, l’incongru. Qu’il y ait en bref un espace libre, échappant au « marché », à la rentabilité immédiate, tout comme dans le domaine économique la recherche exige des investissements sans que l’on sache s’ils permettront un jour d’être fructueux.
Un équilibre entre libéralisme et liberté est à trouver. Le souci de rentabilité – qui implique une certaine exigence de qualité, de concordance avec le public et d’insertion dans les circuits commerciaux – peut inciter l’artiste à s’intégrer, à être clair, compréhensible et à entrer dans le monde. Mais le souci de rentabilité ne devrait pas bloquer, interdire ou empêcher d’exister certaines œuvres indispensables. Et plutôt que de dénier à l’œuvre d’art toute forme de rentabilité – certains excellents films sont des chef-d’œuvres très rentables! – disons que celle-ci ne devrait pas présider à la création, mais en découler.
On pourrait ainsi articuler l’activité artistique autour de deux axes: l’un permettant d’assurer la continuité – par exemple un théâtre qui joue des classiques comme Molière ou un orchestre Beethoven – l’autre affranchie du souci de rentabilité permettant de concevoir des œuvres atypiques, qui ne cherchent pas à séduire, à attirer, mais qui émanent simplement de la propre exigence intérieure de l’artiste.
Distinguer l’esprit et le résultat.
En conclusion, la rentabilité peut être vue comme une récompense, un plus et non comme exigence unique, ordre impératif, afin laisser le champs libre à la découverte, au risque, à l’étrange, au différent, à l’inattendu, à l’ouverture, à l’infiniment autre, à des œuvres différentes qui soient des passages vers l’ailleurs.
Daniel Thomas
Second article:
Le jeu
Le jeu est vital, un jet d’énergie,
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Le jeu c’est l’enfance, léger, libre, l’aventure, le jeu d’enfant, les rires, où tout est possible. Le désir si intense de l’enfant de jouer, et ses larmes ses cris, s’il ne peut pas aller jouer, pas aller à la place de jeu. Le jeu d’enfant qui prépare un peu le monde des adultes, comme un entraînement au grand jeu.
Le jeu c’est l’artiste, chez qui l’enfance est restée vivante. Le désir si intense de l’artiste de jouer, (jouer sa pièce de théâtre, jouer son concert, …) et ses déceptions, ses chagrins s’il ne peut pas jouer.
« L’Art doit être rapproché du Jeu : c’est un libre jeu avec les sensations, les sentiments, les idées. Tous deux vivent de fictions, de conventions, et se désintéressent des valeurs pratiques. » (P.Guillaume, Manuel de psychol., V, p. 71)
Le jeu du musicien, son toucher, sa façon d’être sur scène, d’interpréter, de toucher l’instrument, de jouer avec les notes, ne dit-on pas « jouer de l’orgue », « jouer du violon », l’artiste joue avec ses doigts, son corps, son esprit.
Le jeu de l’acteur, sa façon de représenter le personnage, de jouer son rôle, c’est tout un jeu d’expression et de finesse. L’acteur joue à être un autre.
« … la comédie est bien un jeu, un jeu qui imite la vie. » (Bergson. Le rire, p. 69)
Les jeux de mots et les jeux de sens dans la littérature, jouer avec les sens, jouer avec les mots qui se répondent.
Le jeu des pas, les jeux de jambe ou le jeu des formes mouvantes chez le danseur.
Et l’expression » en jeu », c’est être mis dans le grand jeu, le grand jeu de l’économie, le jeu de la compétition, le jeu de la survie, on est dans le jeu, au risque de couler.
Le jeu c’est la joie d’être, de chercher, de monter une entreprise, de construire un édifice,
De jouer avec de grands jouets,
Le jeu est ambivalence, vie, vital, et mort, risque, perte, on peut tout gagner et tout perdre.
Le jeu c’est aussi se perdre.
Le goût du jeu peut perdre.
Mais s’il n’y a pas le goût du jeu, c’est aussi se perdre, ne plus trouver d’intérêt dans la vie, dans le jeu des surprises, le jeu des envies, le jeu des désirs, le jeu de la curiosité, le jeu du risque, des entreprises hasardeuses, le jeu d’essayer, de tenter sa chance.
L’art est un grand jeu, où chacun joue sa part, joue son rôle, joue aussi son avenir, joue sa vie, joue sa pièce.
Que les loteries restent un jeu, sans s’y perdre, sans devenir une maladie !
Que l’art puisse rester un jeu ! Avec les moyens de pouvoir jouer !
Le jeu est vitalité, surprise, goût de vie ; nécessaire à la vie, il lui donne son énergie, son élan. Qu’il puisse garder cette enfance, cette fraîcheur !
Daniel Thomas